La rémunération des banquiers figure parmi les axes forts de réflexion sur la crise financière. Mieux, c’est devenu un bouc émissaire idéal pour les politiques, même les plus libéraux d’entre eux. Ainsi, Gordon Brown compte interdire les bonus dans les institutions aidées par l’état, et Sarkozy parle d’éthique et de morale quand il s’y réfère !
Même si on comprend bien les envies de certains politiques de rassurer, et les élans populistes d’autres, il est quand même légitime d’essayer de comprendre en quoi les salaires des rois de la finance seraient scandaleux.
Si on considère qu’un salaire doit être proportionnel au résultat généré, alors les bonus des banquiers ne sont aucunement disproportionnés : après tout, c’est quoi 1% de ce qu’on a fait gagner à des investisseurs heureux. Les commissions des banques d’investissements et des fonds spéculatifs sont alors négligeables. Aussi, rien d’anormal quand ces professionnels réclament encore plus de rémunération lorsqu’il excédent leurs objectifs, souvent ambitieux.
Selon la logique capitaliste, plus on génère de résultat, mieux on est récompensé. La logique est indiscutable, mais la notion de résultat l’est : c’est quoi un bon résultat ? S’il s’agit de vraie création de valeur pour l’ensemble de la société, la récompense est parfaitement légitime. En incitant les gens à créer, un système juste de récompense est vertueux car il permet d’instaurer une méritocratie. Mais lorsqu’il s’agit de s’enrichir en enrichissant une poignée d’investisseurs avides d’argent, toute notion de vertu disparaît.
Maintenant, plutôt de regarder la rémunération comme une récompense pour un résultat, je vous propose de la regarder dans sa dimension « compensation » pour un travail fourni.
Pour ce faire, essayons d’abord de comprendre selon quels critères on compense un travail. En dehors du résultat traité ci haut, j’en énumère quatre :
Même si on comprend bien les envies de certains politiques de rassurer, et les élans populistes d’autres, il est quand même légitime d’essayer de comprendre en quoi les salaires des rois de la finance seraient scandaleux.
Si on considère qu’un salaire doit être proportionnel au résultat généré, alors les bonus des banquiers ne sont aucunement disproportionnés : après tout, c’est quoi 1% de ce qu’on a fait gagner à des investisseurs heureux. Les commissions des banques d’investissements et des fonds spéculatifs sont alors négligeables. Aussi, rien d’anormal quand ces professionnels réclament encore plus de rémunération lorsqu’il excédent leurs objectifs, souvent ambitieux.
Selon la logique capitaliste, plus on génère de résultat, mieux on est récompensé. La logique est indiscutable, mais la notion de résultat l’est : c’est quoi un bon résultat ? S’il s’agit de vraie création de valeur pour l’ensemble de la société, la récompense est parfaitement légitime. En incitant les gens à créer, un système juste de récompense est vertueux car il permet d’instaurer une méritocratie. Mais lorsqu’il s’agit de s’enrichir en enrichissant une poignée d’investisseurs avides d’argent, toute notion de vertu disparaît.
Maintenant, plutôt de regarder la rémunération comme une récompense pour un résultat, je vous propose de la regarder dans sa dimension « compensation » pour un travail fourni.
Pour ce faire, essayons d’abord de comprendre selon quels critères on compense un travail. En dehors du résultat traité ci haut, j’en énumère quatre :
- Risque encourus : Comme on l’apprend en « Finance 101 », les retours sont toujours corrélés aux risques. Mais quels risques prenait un banquier en exerçant son métier? La réponse est « perdre son travail », càd, rien, surtout lorsqu’on le compare avec d’autres métiers ou l’on risque des poursuites pénales.
- Pénibilité du travail et sacrifices induits : même si les moquettes trop épaisses peuvent tordre des chevilles trop enflées, il est difficile de comprendre en quoi le travail d’un banquier est plus pénible qu’un autre! Travailler 18h par jour est certainement dur pour la vie personnelle. Ca l’est moins lorsqu’on est transporté en taxi, livré en sushi et surtout travaillant sur un truc qui vous intéresse.
- Compétence requise : Comme dans tous les domaines, la compétence est fortement rémunérée. Mais entendons nous bien : on ne parle pas ici d’énergie nucléaire ou de biotechnologies ni de talents managériaux extraordinaires. Car même si le jargon de la finance se veut très sophistiqué, ce qui a derrière est en général assez basic. La seule exception je dirai sont les matheux qui consacrent leur matière grise à concevoir des produits structurés compliquées. Ceux-ci sont en général ingénieurs issus des écoles françaises, mais ne sont paradoxalement pas les mieux payés dans ce système.
Bref, on voit bien que la rémunération des banquiers n’est justifiée QUE par leurs résultats en cash et qu’elle est décarrelée de toute notion de risque.
Plusieurs effets pervers sont induits par cette situation, dont la prise démesurée de risque qui fut largement discuté à l’occasion de la crise et accusé d’en être la cause.
Voici un autre effet d’ordre sociétal : L’opportunité de gagner de l’argent sans s’exposer à un risque proportionnel est arbitragée par tous ceux qui peuvent. Ainsi les esprits les plus vifs migreront (ou ont déjà migré) vers ces métier en laissant de cote les métiers plus traditionnels : Etre responsable d’une centrale nucléaire est juste stupide si on peut gagner dix fois plus d’argent sans s’exposer à tous les risques et tracas. D’ailleurs les jeunes d’aujourd’hui l’ont bien compris. Alors que les adolescents de ma génération rêvaient de devenir astronautes, chercheurs et ingénieurs, une grande partie de ceux que je rencontre aujourd’hui rêvent -rationnellement et cyniquement - de travailler dans la finance.
Plusieurs effets pervers sont induits par cette situation, dont la prise démesurée de risque qui fut largement discuté à l’occasion de la crise et accusé d’en être la cause.
Voici un autre effet d’ordre sociétal : L’opportunité de gagner de l’argent sans s’exposer à un risque proportionnel est arbitragée par tous ceux qui peuvent. Ainsi les esprits les plus vifs migreront (ou ont déjà migré) vers ces métier en laissant de cote les métiers plus traditionnels : Etre responsable d’une centrale nucléaire est juste stupide si on peut gagner dix fois plus d’argent sans s’exposer à tous les risques et tracas. D’ailleurs les jeunes d’aujourd’hui l’ont bien compris. Alors que les adolescents de ma génération rêvaient de devenir astronautes, chercheurs et ingénieurs, une grande partie de ceux que je rencontre aujourd’hui rêvent -rationnellement et cyniquement - de travailler dans la finance.
4 commentaires:
Barberousse, ca fait plaisir de te lire après cette courte absence. Pour une fois, je ne suis pas d’accord avec toi. Il est vrai que les trois critères que tu as cités ne sont pas valables dans le cas de Wall Street. Mais le problème c’est que ces critères ne sont pas valables tout court !
Ni les sacrifices fournis au travail ni les risques encourus, ni le savoir et l’expertise ne sont à l’ origine de la détermination des niveaux de salaires. Sinon, les travailleurs miniers (risques et sacrifices) et les professeurs d’université (savoir et expertise) seraient les mieux payés du monde.
Au lieu de regarder du cote de Finance 101, il faut plutôt regarder du cote de Econ 101. Le marche du travail est régi comme tout autre marche par la loi de l’offre et la demande. Cependant, il faut faire la distinction entre les salaires des banquiers et les salaires des CEO, CFO et compagnie pour des raisons que je vais expliquer plus bas.
En ce qui concerne les salaires des banquiers en bas de l’échelle, je pense que c’est le prix à payer pour attirer les gens les plus talentueux sur le marché. Il s’agit d’attirer des gens d’un certain niveau intellectuel, et pour ca, ils sont en compétition avec les boites de consulting, les cabinets d’avocats, et les facs de médecine. De ce point de vue la, les salaires des banques sont plus ou moins en ligne avec les prix du marche. Il ne faut pas oublier aussi que les banques sont en compétitions entre elles pour attirer ces gens talentueux ce qui pousse encore les salaires vers le haut. Ces salaires sont de l’ordre de $100K-$120K pour les consultants fraichement diplôme d’un MBA et de l’ordre de $150K-$200K pour les banquiers, les avocats et les médecins.
Les salaires des banquiers les plus expérimentés sont régis par les mêmes lois. Mais contrairement aux banquiers en bas de l’échelle, les banquiers expérimentés ramènent avec eux des contacts et de l’expérience qui est directement transformable en deals et donc en futurs cash-flows. Donc les banques se les disputent à des prix qui peuvent aller jusqu'à quelques millions de dollars. Ce matin de Wall Street Journal dévoilait que Merrill Lynch a du promettre 25 millions de dollars a Peter Klaus pour le débaucher de chez Goldman Sachs.
Nous en arrivons au problème des CEO. Le marché des CEO n’est pas aussi pur et parfait que le marché pour les banquiers. Dans le marché des banquiers, nous avons une demande abondante formée par des dizaines de banques et des centaines de hedge funds et fonds de toutes sortes. De l’autre cote, l’offre est formée par des dizaines de milliers de diplômés chaque année (eh oui, l’offre et la demande d’emploi en économie est l’inverse de ce qu’on voit dans la section offres d’emploi dans les journaux). Dans le marche des CEO, le pool de candidats et très réduit et il y a des problèmes de signalisation dans le processus de recherche de CEO qui rendent le processus très délicat. La demande est encore plus problématique : qui est ce qui décide du recrutement du CEO et de son salaire ? C’est les propriétaires de la banque qui ne sont autre qu’une dizaine de milliers d’actionnaires qui sont incapable de s’organiser et de prendre des décisions. Pour ce faire, ils élisent un conseil d’administration et lui confèrent le droit de trouver le bon CEO et de le payer pour son travail. De la, naissent des conflits d’intérêts et des couts d’agences : les membres du conseil et le CEO ont intérêt a prendre des décisions qui les servent personnellement sans pour autant servir les actionnaires.
La question devient alors : est ce que les salaires des CEO de Wall Street représentent des niveaux de salaires dictés par les forces du marché ou est ce qu’ils reflètent des coûts d’agence?
Pour répondre a cette question, on peu regarder les niveaux de salaires des CEO d’entreprises privées qui ne connaissent pas de coûts d’agence. Ou bien on peu comparer les salaires des CEO avec ceux des banquiers qui font parti d’un marché qui fonctionne bien ( les 25 millions de Klaus). Selon des études, Les deux approches suggèrent que même s’ils existent, les couts d’agence ne sont pas à l’ origine de ces niveaux élevés de salaires.
Deuxième point important : Pour réduire les couts d’agence, et réduire les conflits d’intérêts, les actionnaires ( a travers les conseils d’administration) en mis en place des mécanismes a travers la structure même du salaire des CEO (salaire fixe, salaire variable selon performance, stock options …) et qui visent a induire un comportement de la part du CEO qui serve les intérêts des actionnaires de manière optimale.
La question la plus pertinente alors devient : Est-ce que ces mécanismes qui devaient servir a protéger les intérêts des actionnaires sont a l’origine de prise de risque démesurée de la part des CEO ? C’est une question qui suscite beaucoup d’intérêt de la part des chercheurs en gouvernance d’entreprise qui se sont tout juste attelé a la tache après la chute de trois géants de Wall Street. Nous aurons les résultats une fois que ces recherches auront porte fruit. A suivre…
@Sleh Mosbeh : Merci et bravo pour ce commentaire!
Alors que j’ai essayé de me positionner du point de vue de Mr Toutlemonde, tu apportes une opinion d’expert.
J’admets la complexité du sujet et, comme toi, je serai curieux de suivre son évolution dans les mois/années à venir.
Par ailleurs, je continue à penser que les travailleurs miniers et les professeurs d’université devraient être mieux payés ;-)
Bien à toi
Je reviendrai vous lire régulièrement.
Bien à vous
Cher Sleh Mosbeh (j'ai lu avec intérêt ton commentaire),
"Le marché du travail [des banquiers] est régi comme tout autre marché par la loi de l’offre et la demande"
Certes, tu as raison, le marché du travail des banquiers a tendance à être régi de cette façon. Ce que conteste Barberousse, et je suis 100% d'accord avec lui, ce n'est pas l'explication mécanique du niveau des salaires des banquiers, mais le fait que ce niveau de salaire soit juste.
Et il est profondément injuste.
Parce qu'il ne faut pas faire de la loi de l'offre et de la demande une religion, et qu'il y a des conceptions qui dépassent cette théorie, à savoir : l'intérêt général, la morale, la décence, etc.
Personnellement, je persiste à penser que ces niveaux de rémunérations (qui s'expliquent par la proximité avec des montants financiers colossaux) constituent une injustice et une anomalie, même si on peut les expliquer (et non les justifier) par telle ou telle théorie...
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