vendredi 31 octobre 2008

Dub-ya (W.), l’incroyable témoignage d’Oliver Stone

Très loin de Michael Moore ou de Karl Zero, Oliver Stone nous livre, un monument cinématographique. Après JFK et Nixon, voici sa troisième biographie d’un président américain… le plus improbable de tous!

Ce film traite avec brio trois dimensions de Bush et de sa présidence :
  1. Dimension psychologique : l’action de Bush est impossible à comprendre si on n’intègre pas la psychologie du personnage. Si on souhaite faire un raccourci, on dira qu’il est juste bête, mais Oliver Stone nos dévoile comment sa relation avec son père et son rapport à la religion ont façonné son style de leadership et ont pesé sur ces choix. Enfin, l’équilibre que lui apporte Laura Bush est bien traité.
  2. Dimension politique : même si le film se focalise sur l’individu W, Oliver Stone consacre une partie non négligeable au « système » qui l’entoure. Les personnages de Karl Rove, Condolleza Rice, Colin Powell ou des faucons (Cheney, Rumsfled et Wolfowitz) sont excellents. Les réunions sont précisément filmées et le rôle de chacun est subtilement suggéré. Lors de la décision de la guerre par exemple, lorsque Karl Rove évoque l’échéance électorale de 2004, il dans la pénombre, à peine visible.
  3. Dimension Historique : De la présidence de W, Stone couvre la période pendant laquelle la guerre en Irak s’est décidée. Il a su pointer ainsi un véritable tournant, non seulement dans le carrière du président, mais aussi dans l’Histoire des États Unis et du monde. Entendre Chirac dire au bout du fil avec un accent français et une voix grave « …but it’s about morality , George… » est rendre justice au choix courageux et avisé de la France.
Avec « W. », Oliver Stone condamne fermement les choix de cette administration au moment où elle s’apprête à quitter Washington. Mais l’impact du film sera plus grand, car voici enfin une œuvre regardable par les Américains eux-mêmes.

mardi 28 octobre 2008

Black or not Black : that is the question

Après une campagne presque parfaite, Obama est largement favori pour les élections du 4 novembre.
À sept jours du scrutin, rien ne pourrait désormais faire basculer le résultat : débats, choix des colistiers, affaires et autres déclarations sur la guerre et l’économie sont derrière nous.
La question raciale se trouve donc au centre du choix.

Alors que nous (à l’extérieur) vivons la victoire annoncée d’Obama comme une épopée romantique, élevant un métisse aux commandes du pays le plus puissant du monde, les américains, eux, la voient simplement comme un nouveau chapitre de lutte entre blancs et noirs.

L’attentat déjoué hier vient nous rappeler à quel point ce sujet reste sensible, notamment dans les états du sud qui voient en cet épisode un remake de la défaite de la guerre de Sécession ! (argument développé par une américaine de l’Arkansas que j’ai récemment rencontré, l’Arkansas étant supposé être un « swing » state !)

Mardi prochain, le test sera grandeur nature. Si Obama perd, la déception sera grande. Mais s’il gagne, il faudra rester attentif aux tensions que cela va générer. La même américaine de l’Arkansas assure froidement, qu’il y a une grande chance qu’il soit assassiné avant la fin de son mandat !

lundi 20 octobre 2008

Abnormal compensations ?

La rémunération des banquiers figure parmi les axes forts de réflexion sur la crise financière. Mieux, c’est devenu un bouc émissaire idéal pour les politiques, même les plus libéraux d’entre eux. Ainsi, Gordon Brown compte interdire les bonus dans les institutions aidées par l’état, et Sarkozy parle d’éthique et de morale quand il s’y réfère !

Même si on comprend bien les envies de certains politiques de rassurer, et les élans populistes d’autres, il est quand même légitime d’essayer de comprendre en quoi les salaires des rois de la finance seraient scandaleux.

Si on considère qu’un salaire doit être proportionnel au résultat généré, alors les bonus des banquiers ne sont aucunement disproportionnés : après tout, c’est quoi 1% de ce qu’on a fait gagner à des investisseurs heureux. Les commissions des banques d’investissements et des fonds spéculatifs sont alors négligeables. Aussi, rien d’anormal quand ces professionnels réclament encore plus de rémunération lorsqu’il excédent leurs objectifs, souvent ambitieux.
Selon la logique capitaliste, plus on génère de résultat, mieux on est récompensé. La logique est indiscutable, mais la notion de résultat l’est : c’est quoi un bon résultat ? S’il s’agit de vraie création de valeur pour l’ensemble de la société, la récompense est parfaitement légitime. En incitant les gens à créer, un système juste de récompense est vertueux car il permet d’instaurer une méritocratie. Mais lorsqu’il s’agit de s’enrichir en enrichissant une poignée d’investisseurs avides d’argent, toute notion de vertu disparaît.

Maintenant, plutôt de regarder la rémunération comme une récompense pour un résultat, je vous propose de la regarder dans sa dimension « compensation » pour un travail fourni.
Pour ce faire, essayons d’abord de comprendre selon quels critères on compense un travail. En dehors du résultat traité ci haut, j’en énumère quatre :
  1. Risque encourus : Comme on l’apprend en « Finance 101 », les retours sont toujours corrélés aux risques. Mais quels risques prenait un banquier en exerçant son métier? La réponse est « perdre son travail », càd, rien, surtout lorsqu’on le compare avec d’autres métiers ou l’on risque des poursuites pénales.
  2. Pénibilité du travail et sacrifices induits : même si les moquettes trop épaisses peuvent tordre des chevilles trop enflées, il est difficile de comprendre en quoi le travail d’un banquier est plus pénible qu’un autre! Travailler 18h par jour est certainement dur pour la vie personnelle. Ca l’est moins lorsqu’on est transporté en taxi, livré en sushi et surtout travaillant sur un truc qui vous intéresse.
  3. Compétence requise : Comme dans tous les domaines, la compétence est fortement rémunérée. Mais entendons nous bien : on ne parle pas ici d’énergie nucléaire ou de biotechnologies ni de talents managériaux extraordinaires. Car même si le jargon de la finance se veut très sophistiqué, ce qui a derrière est en général assez basic. La seule exception je dirai sont les matheux qui consacrent leur matière grise à concevoir des produits structurés compliquées. Ceux-ci sont en général ingénieurs issus des écoles françaises, mais ne sont paradoxalement pas les mieux payés dans ce système.
Bref, on voit bien que la rémunération des banquiers n’est justifiée QUE par leurs résultats en cash et qu’elle est décarrelée de toute notion de risque.

Plusieurs effets pervers sont induits par cette situation, dont la prise démesurée de risque qui fut largement discuté à l’occasion de la crise et accusé d’en être la cause.
Voici un autre effet d’ordre sociétal : L’opportunité de gagner de l’argent sans s’exposer à un risque proportionnel est arbitragée par tous ceux qui peuvent. Ainsi les esprits les plus vifs migreront (ou ont déjà migré) vers ces métier en laissant de cote les métiers plus traditionnels : Etre responsable d’une centrale nucléaire est juste stupide si on peut gagner dix fois plus d’argent sans s’exposer à tous les risques et tracas. D’ailleurs les jeunes d’aujourd’hui l’ont bien compris. Alors que les adolescents de ma génération rêvaient de devenir astronautes, chercheurs et ingénieurs, une grande partie de ceux que je rencontre aujourd’hui rêvent -rationnellement et cyniquement - de travailler dans la finance.

vendredi 3 octobre 2008

Amérique : Le Cœur ou la Raison

Après le débat entre candidats, le débat entre VPs vient confirmer la supériorité du couple Obama-Biden.

Même si sur le fond, les deux camps partagent plusieurs points, c’est le style qui fait la vraie différence.
Au style “pitbull avec rouge à lèvres” , les démocrates répondent avec un style « énarque ».
Alors que les uns jouent –et abusent- du patriotisme yankee, les autres raisonnent, et traitent tous les dossiers avec lucidité.
Les uns représentent ce que l’Amérique a de plus profond, les autres, ce qu’elle a fait de meilleur.
Les uns représentent le coeur et les tripes, les autres la raison.

Mais, sept ans après le 11 septembre et après la gestion catastrophique des guerres de Bush, le discours revanchard a moins d’échos. Aussi, au moment d’une crise économique sans précédant, c’est bien de raison (et de compétences) qu’on a besoin. Les Américains jugeront dans 32 jours.

jeudi 2 octobre 2008

Le long chemin de la démocratie

Une démocratie, ça ne se décrète pas, ça se construit. Alors que des exemples comme l’Irak et la Mauritanie montrent, par leurs échecs respectifs, qu’il ne suffit pas de décréter la démocratie pour la pratiquer, l’histoire des plus anciennes démocraties du monde prouve que le chemin parcouru pour atteindre ce stade est long et difficile.

Le cas de la France est exemplaire, car il a fallu environ un siècle pour que la transition entre l’Ancien Régime de monarchie absolue et la république démocratique s’opère et se stabilise.
En voici les différents épisodes représentés chronologiquement (abscisses) et positionnés selon le degré de concentration du pouvoir (ordonnés) :