Bourguiba avait l’intention, tel un Napoléon III, de "moderniser" la Médina de Tunis. En bon dictateur, il pensait l’urbanisme de sa capitale avec O.C Cacoub dans le rôle du baron Haussmann.
Son projet consistait à percer la Médina en prolongeant l’avenue Bourguiba jusqu'à la Kasbah et à réaliser d’autres percés pour relier les principales portes entre elles. Ceci visait à moderniser la Médina et supposait beaucoup de destructions et expropriations.
Il y a échoué à cause d’une résistance farouche, de la population (lors de premières destructions de Rbat bab-Dzira) d’une part et des « amoureux » de la ville, d’autre part. Ceux-ci ont créé l’Association de la Sauvegarde de la Médina en 67, et ont fini par la faire rentrer dans le patrimoine de l’humanité l’UNESCO en 79.
Je trouve que notre Médina a parfaitement sa place sur une liste aussi prestigieuse. Fier, j’étais un fervent supporter de ces protecteurs de notre patrimoine.
…mais…
Je n’en suis plus si sur. Je commence me dire que Bourguiba a probablement été, encore une fois, visionnaire car les cinquante années écoulées lui donnent raison.
Depuis que la Médina a été abandonnée a son sort, les Beldi l’ont déserté, les nouveaux émigrants les y ont remplacés, en général dans des Oukelas. Quand ils n’étaient pas saccagés et vendus au détail, les bâtiments tombaient en ruine faute d’entretien. La ville est devenue insalubre et mal fréquentée. L’insécurité y a augmenté. De par sa densité et sa centralité, elle a affecté le reste de la capitale, la rendant moins attractive. La citadelle qui devait être source de fierté pour les Tunisois est devenue une honte !
Aujourd’hui, il est probablement trop tard, et malgré une certaine prise de conscience, d’autres grands projets (Pont de Rades, Lac Sud) nous font rêver et en détournent notre attention.
Sauver la Médina ne consiste pas à colleter quelques fonds pour restaurer tel ou tel bout de monument ni à ouvrir une poignée de restaurants à la Kasbah. Il s’agit plutôt d’une action radicale, qui permette de refaire vivre ce centre historique, poumon de notre ville.
Pour cela, il faut une vision et beaucoup de courage. Bourguiba les avait.