dimanche 1 juillet 2012

Les trois camps de la politique tunisienne

Le paysage politique tunisien post-Révolutionnaire n'est probablement pas limpide, mais il a gagné en lisibilité ces derniers temps. Après la confusion des élections du 23 octobre ou les idées faisaient crucialement défaut, on est aujourd’hui capables d'identifier trois camps politiques et leurs courants d’idées : les progressistes, les conservateurs et les nationalistes.
Les lignes de démarcation entre ces courants semblent se dessiner autour de la question identitaire et de la manière de l'appréhender.‬ A bien regarder, on peut même remonter à leurs origines, voire affirmer que leurs forces ont depuis longtemps travaillé la société. Leurs contours se dessinent progressivement car le champ de bataille démocratique, qui rend les débats d’idées explicites, le permet enfin.‬‪

1-‪Les progressistes ‬‬
Ce courant trouve ses origines dans la démarche réformatrice du 19eme et Khair-Eddine en est vraisemblablement le pionner. L'idée des progressistes consiste à dire que la Tunisie fait partie du monde tel qu'il est et doit vivre avec son temps. Décomplexés vis à vis de l'étranger, ils n'hésitent pas à copier et transposer ce qui marche ailleurs en termes de lois, de système éducatif, militaire voire social. Pour eux, la modernité est universelle et y rentrer n'est pas un choix. Tahar Haddad, probablement l'autre figure illustre de ce progressisme Tunisien n'a pas hésité à remettre en question la situation de la femme qu'il a su analyser avec clairvoyance. Ce modernise a pu par la suite se muer en communisme et autres gauchismes, en quête d'universalité plutôt que de lutte des classes. La génération "Perspectives" a été son porte étendard pendant les années 70. C'est cette idée qu'incarne El Joumhouri et ses alliés, celle d'une Tunisie ouverte et décomplexée, objectivement consciente de son retard et soucieuse de le rattraper.‪

2-‪Les conservateurs ‬‬
C'est la lignée des Zeitouniens. Ils ne sont pas contre la modernité mais pas à n'importe quel prix. Ils définissent le pays comme arabo-musulman avant tout et n'envisagent le changement qu'au travers de ce prisme. Ils s'étaient indignes des idées de Haddad et face à Bouguilba l'occidental, ils ont rallie Ben Youssef. Le nationalisme arabe les a un temps séduit mais c'est l'idéologie des frères musulmans qui leur a donne le socle idéologique nécessaire à une action politique entamée dans les  années 80.  Ennahdha et ses amis en sont aujourd'hui les dignes représentants.


3-‪Les nationalistes‬‬
L'idéologie sous-jacente à ce courant découle de la lutte pour l'indépendance et de l'obtention de celle ci. "Poussières d'hommes", les tunisiens avaient une patrie mais devaient constituer en nation dont Bourguiba et son Neo-destour furent les architectes. Ces derniers sont allé chercher des mythes fondateurs remontant à Jukurta et Hannibal, insiste sur l'unicité de cette terre d'Africa, loue le génie Tunisien, conceptualise la Tunisianité et dessine le "Projet civilisationnel" à entreprendre. Le PSD et le  RCD ont été l’incarnation de ce nationalisme et la constellation de partis qui en dérivent suite à l'éclatement de ce dernier prendront le flambeau une fois le choc de la révolution passé. l'Initiative de BCE est probablement le signe de résurrection.‬ Les partis évolueront mais ce nationalisme survivra comme socle ideologique, renforce par le mythe de Bourguiba, rétabli .‪‬‪‬‪

Chacune de ces trois familles est déclinable à l'infini avec différentes saveurs : les progressistes peuvent être communistes ou libéraux, les conservateurs peuvent être Islamisants ou arabisants et les nationalistes peuvent être de gauche ou de droite.‬

Ces trois familles sont irréductibles car leurs propositions sont souvent orthogonales. Des alliances sont néanmoins possibles. Ainsi, les nationalistes et les progressistes se retrouvent dans la laïcité face à des conservateurs islamistes, ennahdha et les nationalistes se retrouvent dans l'ancrage identitaire face à des progressistes plutôt mondialistes, enfin, les progressistes et Ennahda se retrouveraient dans l'ouverture économique face à des nationalistes souvent protectionnistes.‬

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