Une révolte…qui a réussi
Tout cela commence par un malentendu sémantique à propos de la chose du 14 janvier. Etait-ce une « révolte » ou une « révolution » ? Parfois par amalgame et souvent par romantisme, nos compatriotes ont vite qualifié la fuite du tyran de « Révolution ». En réalité, les jours historiques de l’hiver 2010/ 2011 s’apparentent à leurs antécédents de 1978 et 1984, une révolte populaire et spontanée, un cri du peuple qui a trouvé sa quintessence dans le fameux « Dégage ! ».
Si « révolution » il y a, elle n’a commencé qu’après … or cela n’a pas immédiatement eu lieu. Les institutions de l’état ont continué à fonctionner comme auparavant et la gestion de la période transitoire s’est appuyée sur les textes préexistants, nommant ainsi le président du sénat à la présidence de la république et envisageant des élections dans les 6 mois suivant la vacation de pouvoir comme le stipulait la constitution de 59.
Appeler Révolution la simple chasse des Trabelsi et leurs amis de malfaiteurs serait leur faire trop d’honneur car, malgré tout le mal qu’ils ont pu faire, ils restent un détail insignifiant de l’histoire de ce pays. Avec le départ de la bande à ZABA, le pays s’est tout à coup débarrassé des parasites, des sangsues qui entravaient sa marche, et pouvait enfin avancer, simplement, vers la démocratie, dans le sens tracé par l’Histoire.
Ecrire l’histoire à sa mesure
Mais cette douce transition n’était pas du gout des tous. Il fallait reverser la table. L’agenda politique de certains ne pouvait s’accommoder d’une démarche purement constructive. Les frustrés voulaient prendre leur revanche et ceux qui avaient un vrai dessin politique devaient préparer le terrain le plus favorable à sa mise en œuvre.
Alors commença la mascarade des Casbah (s) à répétition. En entrainant les révolutionnaires de la 25eme heure, au poing serré et empreints d’esprit « dantonesque », les vrais politiciens ont pu dérouler leur agenda en imposant la première idée révolutionnaire : celle d’une réécriture de la constitution. Le discours romantique qui entourait cette idée empêchait d’y voir le piège : il s’agissait de renouveau, de doter le pays d’une constitution moderne, pour les générations futures, un projet de civilisation, une chance historique, bla bla bla…Même les plus lucides des politiciens se sentaient grisés par cette idée, se prenant déjà pour Robespierre ou Jefferson.
Une Révolution, pourquoi faire ?
Les éléctions gagnées, les vainqueurs sont désormais en mesure de faire la faire, leur "Révolution".
Une révolution qui impacterait profondément la vie des tunisiens, qui jetterait tout ce qu'a pu apporter l'ancien régime pour proposer des alternatives. Une révolution qui établirait un ordre nouveau, qui transformerait en profondeur le Tunisien, qui rénoverait les relations qu'ont les tunisens avec le monde extérieur, les uns avec les autres. Cette Révolution serait le premier acte de l'émergence du Tunisien nouveau, réconcilié avec son identité, fier de sa culture, le premier acte pour une Tunisie débarrassée de la corruption et du clientélisme, ou une justice impartiale prévaut partout.
Mais… au delà de la beauté lyrique de ce charabia de politicard, tout ce que je viens de débiter ci-haut, n’est pas réaliste, mais surtout, ce n'est pas souhaitable.
On peut s'arrêter sur les évidents relents fascistes d'un tel projet "purificateur", mais je veux insister sur son aspect dévastateur pour la Tunisie.
« Réactionnaires » disent-ils !
Ce pays a certes une histoire multimillénaire, mais la nation tunisienne et l’état tunisien n’ont que 50 ans d’existence. Malgré les différences d’appréciation qu’on puisse avoir, force est de constater que le chemin parcouru est spectaculaire. Le système républicain et l’état moderne ainsi que la construction nationale entreprise depuis l’indépendance sont probablement la meilleure réalisation de notre histoire.
Ce socle, complexe, et difficile à édifier est enfin opérationnel pour la prochaine phase de développement aussi bien économique que sociétal.
Si les chantres de la révolution entendent détruire, amoindrir ou même déstabiliser cet acquis, je me déclare volontiers réactionnaire.
Le paradigme des ces « révolutionnaires » confond les gouvernants et leur œuvre. Etant réalisé par des « pourris » cet état nation est forcément « pourri ». Tout comme la constitution qui était « pourrie » et qu’il fallait réécrire, ils estiment que le « système » est pourri et qu’il faut le revoir. Le CPR, une certaine frange d’Ennahdha et d’autres courants politiques (comme celui de Mme Bensedrine), s’enferment dans une haine aveugle de la classe politique précédente et finissent par manquer de discernement : tantôt contre les ex-RCD, tantôt contre tous les Destouriens et Bourguibistes, ils identifient les édificateurs de ce pays à leurs bourreaux des années 70-80…une envie de revanche absurde et contre-productive.
En lisant ces quelques lignes, ils me classeront probablement parmi les collabos, car leur colère les empêche d’envisager autre chose de la punition de l’autre moitié du pays…à nous de les empêcher d’aller au bout de ce délire.