samedi 31 mai 2008

Élites du Maghreb / Maghreb des élites

Le Maghreb contemporain est l’œuvre des fondateurs des états modernes, ces élites qui à l’indépendance, ont accédé au pouvoir façonné les états naissants selon leurs convictions. Ils ont mis les pays sur des trajectoires distinctes qui permettent d’expliquer certaines spécificités actuelles :

Cas du Maroc:

Au Maroc, l’élite qui a lutté pour l’indépendance provenait de la bourgeoise urbaine, notamment Fassi et s’organisait dans le Parti de l’Istiklal. Elle sera alliée au Roi dans la lutte pour l’indépendance. De par son origine et ses alliances, cette élite s’accommodera d’un régime monarchique et prolongera le schéma aristocratique qui la justifie et protége ses privilèges. Ceci est perceptible aujourd’hui encore.

Cas de l’Algérie :

En Algérie, l’élite qui a lutté pour l’indépendance du pays est formée de colonels révolutionnaires, meneurs d’une lutte armée. Une fois au pouvoir, cette élite a instauré un régime du type révolutionnaire et a choisi le socialisme comme doctrine. Elle a en conséquence entraîné la société dans une trajectoire de type « Russe ». Les similitudes avec ce modèle sont encore visibles aujourd’hui car, comme en Russie, les utopies égalitaristes ont cédé leur place à une libéralisation effrénée et à une concentration des richesses entre une poignée d’individus.

Cas de la Tunisie:

Enfin, dans le cas de la Tunisie, les architectes de l’indépendance provenaient des classes moyennes. Éduqués dans les écoles et universités de la république, souvent  en métropole, ils s’étaient imprégnés des valeurs des lumières et fascinés par le modèle républicain.

À l’indépendance, ces élites proclameront la République et déploieront ses principes : école publique gratuite et obligatoire, égalité entre hommes et femmes, une certaine forme de laïcité (confiscation des Hbous,…) et l’émergence d’une classe moyenne.

Malgré certaines entorses et pressions, la Tunisie d’aujourd’hui est fondamentalement républicaine, à la française.

lundi 19 mai 2008

Problème de langage

Je ne sais pas vous, mais moi, je suis devenu insensible à un certain registre du vocabulaire arabe dont voici un échantillon :

 مكوينات المجتمع الوطني/ المدني, المسار الاصلاحي, تعزيز أركان الديمقراطية / تكريس أسس الديمقراطية, التنمية  الشاملة, تظافر الجهود, مشروع حظاري, حوار بناء, تفعيل دور الشباب,الخيارات الجوهرية, الانتاج و الانتاجية ، إلخ. . 

La liste est encore longue, mais ces mots qui constituent la matrice sémantique de la doctrine officielle, sont malheureusement devenus inaudibles.

Si vous essayez de traduire un discours officiel (ou un slogan) en Français, en Anglais, ou même en Arabe style Al Jazira, vous verrez qu’il gagnera en sens et en lisibilité.

Il va sans dire que les personnes non ou peu instruites n’ont aucun moyen d’accéder au sens : je serai curieux de voir des statistiques qui montrent combien de personnes saisissent tout ce qui se dit sur la politique intérieure pendant le journal de 20h sur TV7.

Le discrédit du discours officiel est probablement dû à plusieurs raisons, mais je suis persuadé que le langage n’est pas la moindre.

vendredi 16 mai 2008

Réforme des états arabes à Sciences Po

Je viens d’assister à un débat fort intéressant à  Sciences Po Paris, avec la participation de Hubert Védrine, Tahar Ben Jelloun, l’ambassadeur d'Egypte en France et Bertrand Badie, Prof à Sciences Po.

Devant les étudiants, les participants ont essayé de définir la notion de reforme arabe et en délimiter les contours. Après un rappel historique sur l’origine du réformisme, phénomène né dans le 19e siècle en réaction à la suprématie occidentale, M Védrine a énumèré trois sources pressant au réformisme:

  1. les pressions internes, provenant d’arabes vivant dans les pays ou à  l’étranger
  2. les pressions européennes, en général bien intentionnées selon lui, sont codées dans les gênes de la relation entre les institutions de l’EU et le monde arabe
  3. enfin, plus récentes, les pressions américaines inspirées par les Neo-Cons de l’administration actuelle.

 Après un vif débat, parfois confus, sur les modalités de cette reforme et sur sa nature, quatre hypothèses ont émergé :

  1. les pays arabes céderont a la pression occidentale et adopterons la démocratie telle quelle : cette hypothèse a été unanimement rejetée.
  2. un déposte éclairé conduira une réforme efficace. L’exemple d'Ataturk a été cité à plusieurs reprises
  3. une explosion sociale, voire une révolution politique qui induira les changements nécessaires
  4. entraînés par la globalisation et le développement économique, ces pays finiront par effectuer leur reforme par la pression des synergies avec le monde qui les entoure.

Les deux dernières hypothèses étant les plus probables, M. Badie a conclu en faisant remarquer que dans les deux cas, ce sont les sociétés arabes elles-mêmes qui feront le travail.

jeudi 15 mai 2008

Cannes, c’est le Festival !


Avec un jury présidé par Sean Penn et un film de 4h28 sur le Che en compétition officielle, Cannes confirme : Le festival qui honore, entre autres, les cinéastes iraniens (tel que Kiarostami à qui les Américains refusent le visa d’entrée) et qui a récompensé le Fahrenheit 911 de Michael Moore, est définitivement un festival non aligné !

Mais la promesse du festival est avant tout artistique. Dans le millésime 2008, on verra Desplechin et Garrel concourir pour une palme française attendue depuis 1987 (Pialat). On verra aussi des habitués tels que Atom Egoyan et Clint Eastwood qui espèrent obtenir leur première Palme, Steven Soderbergh et Wim Wenders leur seconde alors que les frères Dardennes jouent leur troisième.

Enfin, Woody Allen dévoilera son film de l’année et Speilberg son Indiana Jones réchauffé, seul Blockbuster du Festival.

Mais comme toujours, le festival déjoue tout pronostic, et qui sait quelle sera l’œuvre qui fera vibrer la Croisette dans les deux prochaines semaines.

lundi 12 mai 2008

« Notre ami Sarkozy » ou les donneurs de leçons

L’incident de la flamme Olympique à Paris m’a fait sourire tant j’ai trouvé démesurée la réaction de certains manifestants, journalistes et hommes politiques. Ces mêmes bonnes gens, m’ont en revanche agacé lors de la visite de Sarko à Tunis. Par méconnaissance, je ne me suis pas permis de parler du Tibet, mais pour la Tunisie, je peux leur dire que les attaques et les critiques aveugles ne font rien avancer. Loin d’être fan de Sarko, je le préfère à ces ayatollah droit-de-l’hommistes !

Primo, les Tunisiens n’ont à prendre des leçons de personne. Tout en admirant et en s’inspirant de la république française et de ses valeurs, nous ne voulons pas de tutelle. Toute ingérence est malvenue car elle réveille, consciemment ou pas, le souvenir du protectorat.

Secundo, la relation entre la France et la Tunisie est tellement riche qu’elle ne peut se réduire à de la critique stérile. Parce que les relations entre français et tunisiens sont profondes (amitiés, couples mixtes, binationaux, émigrés, …) et parce que les flux économiques sont considérables, nous attendons que nos amis français nous accompagnement en profondeur dans notre développement, et ce par l’investissement, la collaboration et le partenariat entre égaux.

Oui, la situation en Tunisie est difficile, mais ce qui l’améliorerait c’est notre indépendance énergétique (accord sur le nucléaire civil), ce sont les investissements créateurs d’emplois (Usine Latécoère) ou le fait de devenir pays hôte de la future union de la mediterrannée (projet de Sarko à présenter en juillet).

Lutter pour les libertés en Tunisie est absolument légitime. Réduire le pays (et sa relation avec la France) à cette question n’est pas acceptable.  

60 ans de Nakba...

...et d'espoir...

voici un très bon article de “ The economist” sur le malheureux anniversaire. Surprenant!